Le désespoir, les illusions et puis la mort

L'Orient
28/09/2013

Depuis hier, le Liban-Nord, et plus particulièrement le Akkar, est en deuil. Une vingtaine de personnes originaires de Kab’eet, de Mechmech, Fnaydek, mais aussi Tripoli, ont trouvé la mort alors qu’elles tentaient de traverser la mer entre l’Indonésie et l’Australie sur un bateau de fortune, affrété vraisemblablement par une mafia sans foi ni loi.

Parties à la recherche de l’eldorado et rêvant d’un avenir meilleur que celui que leur a offert jusque-là leur pays d’origine, plusieurs familles libanaises, dont des femmes et des enfants, ont péri noyées lorsque leur embarcation est tombée en panne en pleine mer où elles se trouvaient depuis plusieurs jours.

Selon le correspondant de l’Agence nationale d’information (ANI, officielle), Michel Hallak, aucune précision n’a pu être obtenue sur le sort tragique subi par les victimes, certaines informations ayant fait état de certains corps retrouvés après avoir été repoussés par les vagues vers la côte indonésienne. Selon l’agence al-Markaziya, trois Libanais auraient survécu, Assaad Ali Tradiyé, Afrah Ali Hassan et Hussein Ahmad Khodr, surnommé Abou Ali.

L’un des survivants, Abou Ali, a donné aux médias les détails du drame, précisant que les rescapés ont réussi à nager jusqu’à atteindre une île proche. Il a précisé que la majorité des morts sont des femmes et des enfants, dont son épouse, Kawthar Mohammad Taleb, et ses huit enfants, qui ont entre 2 et 16 ans.

Selon son témoignage, la personne en charge du voyage a dévié de la trajectoire prévue, tournant en rond pendant trois jours. C’est à ce moment-là que les passagers lui ont demandé de les ramener en Indonésie. Sur le chemin du retour, le bateau est tombé en panne. Abou Ali a expliqué que c’est tout à fait par hasard qu’ils ont enfin réussi à capter un signal qui leur a permis d’envoyer un SOS aux autorités indonésiennes et australiennes qui n’ont pas pu arriver à temps.

Le survivant a révélé que le bateau n’était pas approprié, signalant que les passagers avaient au départ refusé de monter à bord, mais ont fini par obtempérer après qu’on leur a promis de les transférer vers une autre embarcation quelques heures plus tard, ce qui n’a jamais eu lieu de toute évidence. Abou Ali a également indiqué qu’à leur arrivée en Indonésie, leurs passeports ont été confisqués et la promesse de quitter le territoire indonésien, trois jours plus tard, n’a été remplie que deux mois après.

Dans la journée d’hier, c’est une valse d’informations qui a circulé sur le nombre total de Libanais qui se trouvaient à bord, certains médias ayant avancé le chiffre de 70 Libanais, d’autres de 80 (15 familles entières) sur un total de 120 passagers, selon les autorités indonésiennes, qui se trouvaient à bord d’un petit bateau complètement inadapté à ce type de périple.

Le président de la municipalité de Kab’eet, Ahmad Darwich, a affirmé avoir été alerté de la tragédie par l’un des habitants du village de Fnaydek, dont le fils Ali, qui se trouvait à bord de l’embarcation, a survécu. « Sa fiancée, Sourab Abdel Hay, par contre, est morte, personne n’ayant pu la sauver », témoigne Ahmad Darwich. Le président de la municipalité a en outre précisé que deux familles entières du village se trouvaient également à bord du bateau qui a quitté le rivage lundi dernier. Il s’agit de la famille Hussein Ahmad Khodr, 10 membres, qui ont tous été noyés à l’exception du père, Hussein, et de la famille Assaad Ali Assaad, composée de 5 personnes qui ont toutes péri également, précise M. Darwich.

Cinq autres personnes sont portées disparues : Manal Ali Ahmad, Toufic Hamzeh, Mohammad Khodr Chédid, Bassam Khodr Othman, Ibtissam Khodr Othman, a ajouté M. Darwich, soulignant ignorer ce qui est advenu des autres passagers. M. Darwich a lancé un appel aux autorités libanaises et au ministère des Affaires étrangères en particulier, les exhortant à faire la lumière sur cette tragédie.

Selon des informations obtenues par l’agence al-Markaziya, 70 Libanais ont été arnaqués par le dénommé Abou Saleh, qui a touché entre 7 000 et 10 000 dollars par personne pour la traversée de la mort, s’engageant à les faire entrer illégalement en Australie. Le criminel a été arrêté par les autorités indonésiennes.

Mesures d’urgence
Le directeur des Affaires des émigrés au ministère des Affaires étrangères, Haytham Joumaa, a indiqué que la chargée d’affaires près l’ambassade du Liban en Indonésie, Joanna Azzé, est en contact permanent avec les organismes de secours et les autorités australiennes pour s’enquérir des survivants.

M. Joumaa a précisé que les informations dont dispose le ministère indiquent que 80 passagers se trouvaient sur l’embarcation, soulignant que « le nombre de Libanais parmi eux était inconnu ». Le directeur général a précisé que les opérations de secours ont commencé, sauf qu’elles sont rendues difficiles par les intempéries et les conditions climatiques extrêmement difficiles.

Mme Azzé a précisé pour sa part que la coordination se poursuit étroitement avec les autorités indonésiennes, permettant de suivre de près les opérations de secours qui vont se poursuivre durant la nuit. La diplomate a précisé que le bateau a coulé des suites d’une panne, à une distance de 12 heures de la côte indonésienne, dans une zone connue pour ses hautes vagues. Mme Azzé a confié que « 15 corps appartenant à plusieurs nationalités ont déjà été repêchés ». Dès son arrivée de New York, le chef de l’État a effectué les contacts nécessaires pour le suivi de ce dossier, donnant les directives aux autorités concernées pour prendre les mesures nécessaires.

Le Premier ministre démissionnaire, Nagib Mikati, a demandé pour sa part aux responsables d’accélérer les contacts diplomatiques requis afin de mettre au clair les circonstances du drame et s’occuper des rescapés. Dans un communiqué, l’ancien chef de gouvernement, Saad Hariri, a exprimé sa profonde tristesse pour la mort des Libanais en mer indonésienne, présentant ses condoléances aux familles éprouvées. M. Hariri a par ailleurs donné ses directives aux députés du bloc du Futur leur demandant de déployer sans tarder les efforts nécessaires afin de secourir les rescapés et les blessés et d’assurer le rapatriement des corps des victimes.

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